Les juges ne 'lâchent rien' dans l'affaire des emplois fictifs du FN
By Philippe Cohen-Grillet et Eric Maurice
Alors que les députés ont commencé, le 29 mai, à examiner la levée de l'immunité parlementaire de Marine Le Pen, les juges à Paris tentent de resserrer l’étau judiciaire autour de la cheffe de l'extrême droite française.
"Les magistrats sont décidés à ne rien lâcher," assure une source judiciaire à EUobserver. "Cela prendra le temps qu'il faudra, mais Marine Le Pen répondra aux questions des enquêteurs."
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Les juges ont décidé de demander la levée de l'immunité de Le Pen après son double refus, en février et mars, d'être entendue dans l’enquête sur des contrats de travail parlementaire présumés fictifs au sein de son parti, le Front national (FN).
Mais la procédure prendra plusieurs mois et, entre-temps, Le Pen pourrait être élue à l'Assemblée nationale, ce qui lui garantirait une autre d'immunité.
Le FN est suspecté d'avoir payé certains de ses membres avec l'argent du Parlement européen. Une vingtaine personnes étaient payées comme assistants parlementaires, tout en figurant dans l'organigramme du siège du parti à Nanterre, près de Paris. La plupart d'entre eux n'ont presque jamais travaillé à Bruxelles ou à Strasbourg.
Le Parlement estime le préjudice à près de 5 millions d'euros, selon une note transmise aux juges par l'avocat du Parlement et révélée par l'AFP en avril.
L'institution a déjà commencé à prélever sur l'allocation mensuelle de Le Pen près de 339 000 euros, correspondant aux salaires injustifiés de deux de ses anciens assistants - son gardien de corps, Thierry Legier, et sa cheffe de cabinet, Catherine Griset.
Le parquet de Paris a ouvert une enquête en décembre dernier pour abus de confiance, recel d’abus de confiance, escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux et travail dissimulé.
Deux anciens assistants parlementaires, y compris Griset, ont été mis en examen dans le cadre de cette enquête.
Le Pen, qui était candidate à l'élection présidentielle d'avril et mai, a dénoncé une "persécution judiciaire" menée par des adversaires politiques" et a remis en cause "l'impartialité et l'indépendance" de "l'administration de la justice".
Son avocat considère que la demande de levée de l’immunité au Parlement européen est "normale" et que Le Pen a l'intention de se rendre chez les juges "après les élections législatives" françaises des 11 et 18 juin.
Mais le calendrier est en faveur de la cheffe du Front National.
Une procédure de levée d'immunité au Parlement européen dure entre quatre à six mois en moyenne.
Vote après l'été
La procédure a été lancée le 26 avril par le président du Parlement, Antonio Tajani, et la commission des affaires juridiques du Parlement a examiné l'affaire pour la première fois lundi,
Les députés sont également saisi d'une demande concernant Marie-Christine Boutonnet, une autre députée européenne qui a refusé d'être entendue par les juges dans la même affaire d’emplois présumés fictifs.
Le rapporteur du dossier, Tadeusz Zwiefka, un membre polonais du PPE, le groupe de centre-droit, présenté un rapport basé sur des informations fournies par le parquet.
Le Pen, selon la procédure, "reçoit la possibilité d’être entendue" et pourra être appelée une seconde fois si elle décline la première offre.
La commission, pour sa part, peut demander aux autorités françaises " fournir toutes informations et précisions qu’elle estime nécessaires".
Lorsqu'elle estimera qu'il dispose de suffisamment d'informations sur l'affaire, la commission votera sur un rapport final et émettra une recommandation à la plénière du Parlement, qui votera ensuite pour lever l'immunité de Le Pen.
Contacté par EUobserver, le bureau de Zwiefka a déclaré qu'il n'avait pas le droit de commenter l’affaire Le Pen, mais que la procédure sera traitée comme n’importe quelle autre.
Lors de la réunion de lundi, les membres du comité des affaires juridiques examineront les demandes d'immunité pour sept autres députés européens, comprenant celle du père de Le Pen, Jean-Marie Le Pen, pour une affaire n’ayant pas de lien à celle-ci.
Si Le Pen accepte, elle pourrait être entendue lors de la prochaine réunion de la commission des affaires juridiques, à la mi-juin, ou lors de la suivante en juillet.
Selon si Le Pen accepte de venir, et si la commission a besoin de plus d'informations, le vote en plénière pourrait avoir lieu en septembre ou en octobre.
La procédure de notification de la levée de l'immunité aux juges français sur pourrait constituer en un autre report en faveur de Le Pen.
Autre report
Le 2 mars, le Parlement a levé son immunité, presque cinq mois après la demande des juges français, pour une autre affaire, dans laquelle elle est poursuivie pour avoir tweeté des photos de personnes décapitées par le groupe djihadiste de l'État islamique (IS).
"Nous sommes au mois de mai et le Parlement de Strasbourg n'a toujours pas officiellement transmis la décision de levée de l’immunité," déplorait récemment un juge français.
Selon des sources au Parlement, cependant la notification a été envoyée aux juges par le circuit habituel - la représentation permanente auprès de l'UE du pays du député, qui la transmet au ministère des Affaires étrangères.
Si et quand les députés européens lèveront l'immunité de Le Pen et que la décision sera notifiée aux juges, la cheffe de l'extrême droite pourrait encore être en mesure d'esquiver la convocation des juges.
Le 18 mai, elle a annoncé qu'elle était candidate aux élections législatives de juin. Elle se présente à Hénin-Beaumont - une ville du nord de la France dont le maire est Front national et où elle a obtenu 61,56% des voix au second tour de la présidentielle, le 7 mai.
Neuf des 24 députés européens FN, y compris Le Pen et le numéro deux du parti Florian Philippot, sont candidats en France et devront choisir entre leur mandat européen et leur nouveau mandat national s'ils sont élus.
Si Le Pen élue députée et obtient une nouvelle immunité parlementaire de cinq ans, les juges assurent qu'ils la convoqueront à nouveau. Si elle refuse d'être entendue, ils assurent qu'ils demanderont à l’Assemblée nationale française de lever son immunité.
Bien que ces système présumé de rémunération de membres du parti remonte à 2012, il pourrait falloir encore plusieurs années avant que Le Pen ne soit présentée devant un tribunal.