Analysis
Macron, nouveau monarque franco-européen
By Eric Maurice
Les présidents français, avec les fastes de la République et les pouvoirs qui leur sont conférés, sont souvent qualifiés de "monarques républicains".
Si une célébration de victoire est un présage pour l'avenir, la France et l'Europe ont trouvé en Emmanuel Macron un nouveau type de monarque français. Un monarque qui est autant patriote qu’européen, moderne mais à la recherche de tradition, et qui devra surtout faire une révolution s'il veut rester au pouvoir.
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L'image de Macron marchant seul, dimanche soir (7 mai), dans la grandiose cour du Palais du Louvre, la résidence des rois de France, donnait une solennité inhabituelle pour une telle occasion.
L'impression était inattendue pour les milliers de partisans qui attendaient le nouvel élu devant une grande scène installée près de la pyramide de verre, sur laquelle des DJ avaient passé une musique aussi diversifiée que la foule multiethnique et majoritairement jeune.
Mais la mise en scène était symbolique à plusieurs niveaux.
Mise en scène symbolique
Le fait que Macron avance au son de l'Ode à la Joie de Beethoven, l'hymne européen, était en soi une profession de foi: la France ne peut plus être elle-même sans l'UE. Un message d'autant plus fort après avoir vaincu Marine Le Pen, qui veut sortir la France de l'UE.
Un message audacieux alors que 10,6 millions de Français venaient justement de voter pour Le Pen. Mais le geste s'accordait à la foule rassemblée au Louvre - où les drapeaux bleus étoilés étaient presque aussi nombreux que le drapeau tricolore - même si tout le monde n’a pas reconnu pas la musique.
Plus tôt dans la soirée, Macron avait déclaré qu'il défendrait "les intérêts vitaux de la France", ainsi que "l'Europe, la communauté de destin que se sont donnés les peuples de notre continent".
"C'est notre civilisation qui est en jeu", a-t-il dit, insistant sur le fait qu'il voulait "retisser les liens entre l'Europe et ses citoyens".
Mais le nouveau président fermement pro-européen avait également d'autres messages à faire passer, plus dans le style que dans le contenu.
Pour beaucoup de Français, les 3 minutes de la procession de Macron, enveloppé dans un manteau noir, évoquait François Mitterrand, avançant également seul au Panthéon le jour de son investiture en 1981. Mitterrand est ensuite resté au pouvoir pendant 14 ans, le plus long mandat dans dans l'histoire politique française moderne.
Pour Macron lui-même, la mise en scène était destinée à démontrer qu’à seulement 39 ans, avec une expérience politique limitée à deux années comme ministre de l'économie, il peut s'entourer de l'aura présidentielle.
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire Challenges l'année dernière, Macron affirmait qu'il voulait être un "président jupitérien", en référence à l'éventail des pouvoirs présidentiel similaires à ceux du dieu grec.
Il affirmait que "l'autorité démocratique" était "une capacité à éclairer ... pour énoncer un sens et une direction ancrés dans l'histoire du peuple français".
Dimanche soir, quand il est arrivé sur la scène - à côté de la pyramide construite par Mitterrand - Macron a tenté de définir une direction qui soit ancrée dans l'histoire.
Il a assuré que "de l'Ancien Régime à la libération de Paris [en 1944], de la Révolution Française à l'audace de cette pyramide", le Louvre était "le lieu" où "le monde regarde la France".
Esprit des Lumières
"L'Europe et le monde attendent que nous défendions partout l'esprit des Lumières menacé dans tant d’endroits", a-t-il déclaré à la foule de ses supporters. "Ils attendent que nous soyons enfin nous-mêmes ".
Ce type de discours est pratiquement un incontournable pour un président français, dans un pays qui aime se qualifier de "patrie des droits de l'Homme".
Mais dans la France de 2017, où les deux principaux partis ont été balayés au premier tour de l'élection présidentielle et où la cheffe de l'extrême droite a obtenu plus de voix que jamais, la célébration macronienne de l'histoire et des valeurs du pays répondait à un besoin plus profond.
"Je protégerai la République", a-t-il juré. Plus tôt dans la soirée, il avait reconnu "les divisions dans notre nation" et "les irritations, les doutes, l'anxiété que certains ont exprimé".
Macron sait qu'il devra unir un pays qui cherche une nouvelle prospérité, mais aussi une nouvelle identité.
D'une certaine façon, la foule présente au Louvre était la représentation de l'enjeu de cette élection, dans lequel beaucoup de "Français de souche" ont choisi Le Pen pour exprimer leur malaise envers l'immigration, l'Islam, un communautarisme croissant, autant qu'envers la situation économique et les effets de la mondialisation.
Les hommes et femmes venus acclamer Macron étaient de tous âges mais en grande partie jeunes. Ils étaient blancs, arabes et noirs. Ils étaient également étrangers, comme ce couple belgo-roumain vivant à Paris, ou le mari brésilien d'un Français qu’EUobserver a rencontrés.
Mais malgré la joie de la victoire présidentielle, il n'y avait pas vraiment de ferveur dans l'air et la fête a rapidement pris fin après le discours de Macron.
Dans la nuit parisienne, il y avait moins de monde en train de célébrer et moins de voitures klaxonnant que lors des précédentes élections présidentielles.
Macron a lancé sa candidature à la présidence comme une start-up, avec son propre mouvement politique conçu comme une marque personnelle - son mouvement En Marche! porte même ses propres initiales. Son but déclaré est de "moderniser la France" et "renouveler le paysage politique".
Victoire de circonstance
Mais il sait très bien que son élection est autant un produit des circonstances - la nécessité de battre Le Pen - qu’une adhésion populaire à son programme. Il n'est de plus pas assuré d'obtenir une majorité au Parlement lors des élections législatives du mois prochain.
Il a admis que les électeurs ne lui ont pas donné un "blanc seing" et que la "tâche" consistant à aborder "les difficultés économiques [et] l'affaiblissement moral du pays" sera "difficile".
En se présentant comme un nouveau monarque, marchant seul dans la cour du Louvre et prononçant un discours devant une pyramide, Macron a d'une certaine manière contredit sa propre ambition de "transformer" la France et sa façon de gouverner.
Il s'est exposé à la critique avant même d'être certain de réaliser ce qu'il annoncé comme nécessaire.
Comme l'a lancé un homme dans la foule du Louvre pendant son discours: "Les paroles c'est bien, les actes c'est mieux".